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Sauvages : pour ne pas en rester un

Huit ans après le succès de Ma vie de Courgette, Claude Barras revient avec Sauvages, un film d’animation en stop motion qui allie prouesse technique, profondeur émotionnelle et engagement écologique. Dès les premières minutes, le spectateur est plongé au cœur de la forêt tropicale de Bornéo, témoin des ravages de la déforestation et des conflits entre traditions ancestrales et intérêts capitalistes.

La mort d’une figure maternelle avait déjà servi de point de départ au précédent film d’animation de Claude Barras Ma vie de Courgette (2016). Le réalisateur reprend ce thème douloureux, mais cette fois dans un contexte écologique et anticolonial. Sur l’île indonésienne de Bornéo, une femelle orang-outan est tuée par des bûcherons.

Le récit suit Kéria, une jeune fille de 11 ans, dont la rencontre avec le bébé orang-outan orphelin bouleverse son quotidien. Sa famille, impliquée malgré elle dans l’exploitation forestière, devient le pivot de cette aventure qui questionne la responsabilité individuelle face à la destruction de la nature et aux enjeux sociaux. Avec l’arrivée de Selaï, son cousin membre de la communauté Penan, Kéria découvre les traditions et savoirs ancestraux des peuples autochtones. Elle apprend à voir la forêt et ses habitants sous un autre regard. Le petit singe Oshi devient non seulement un symbole de liberté et de vie, mais aussi un vecteur de transformation et de responsabilité pour Kéria.

Sur le plan technique, Sauvages est une véritable merveille. Chaque décor, chaque personnage, est fabriqué en stop motion avec un soin extrême, mêlant maquettes et pâte à modeler, offrant à l’univers un charme tactile unique. La richesse des couleurs, le travail de la lumière, et la minutie des détails — des animaux aux végétaux, en passant par les reliefs de la forêt — confèrent au film une dimension visuelle époustouflante. La forêt, peuplée d’animaux et de végétaux détaillés, devient un personnage à part entière, tandis que le travail sonore, incluant les bruits authentiques de la jungle de Bornéo, accentue l’immersion. Comparé à Ma vie de Courgette, le film montre une évolution impressionnante dans la maîtrise de la technique, faisant de chaque plan une véritable œuvre d’art. Claude Barras transforme la beauté de ce monde menacé en expérience sensorielle et émotionnelle : on ressent la fragilité de la nature tout en s’émerveillant devant sa richesse.

Si la narration reste relativement linéaire et si le conflit est bien marqué entre les « bons » et les « méchants », cette simplicité n’empêche pas l’émotion de jaillir. Les personnages sont crédibles et nuancés : Keira exprime colère, frustration et affection avec une intensité qui touche tous les âges, tandis que Selaï incarne la fierté et la sagesse de sa culture. Le film explore des thèmes profonds — la déforestation, les droits des peuples autochtones, l’interaction avec la modernité, la responsabilité écologique — sans lourdeur ni didactisme excessif. Au contraire, il invite à la réflexion, tout en offrant des moments d’humour et de tendresse, notamment dans les interactions entre Kéria et Oshi ou à travers les petites références culturelles modernes, comme le portable du grand-père de Selaï.

Stop motion, start action

Au-delà de sa beauté plastique et de son récit engagé, Sauvages se distingue par sa capacité à mêler aventure, émotion et éducation. Si certains arcs narratifs restent prévisibles, la puissance émotionnelle du film, la richesse de son univers visuel et la force de son message compensent largement ces simplifications. Le film réussit à éveiller la conscience écologique des enfants et à toucher les adultes, sans jamais se montrer moralisateur. Les jeunes spectateurs peuvent s’identifier aux personnages, tandis que les adultes apprécieront la finesse avec laquelle Claude Barras traite de questions complexes : le colonialisme, l’écologie, la solidarité et le respect des traditions. Le film illustre avec force que la préservation de la nature et le respect des cultures locales ne sont pas de simples slogans, mais des enjeux concrets pour l’avenir.

En résumé, Sauvages est un film à voir en famille. C’est un mélange de spectacle visuel, de tendresse et d’engagement, un film à la fois captivant, touchant et instructif, qui célèbre la beauté de la forêt et la force de l’amitié, tout en sensibilisant petits et grands à l’urgence écologique. Claude Barras montre que la beauté de notre monde peut encore être célébrée et protégée, et que chacun, petit ou grand, a un rôle à jouer.

João Carita

26sep19 h 00 minÀ l'affiche : Sauvages

Ne manquez pas la projection de Sauvages ce vendredi 26 septembre à 19h au cinéma Korso. Venez découvrir cette aventure émouvante et poétique, laissez-vous emporter par la magie et la profondeur de ce film indispensable. Le réalisateur Claude Barras sera présent pour échanger avec le public. Un débat-discussion sera organisé après le visionnage pour approfondir les thèmes du film: de la protection de la nature à la valorisation des savoirs ancestraux. Une occasion unique de partager vos impressions et d’échanger avec l’un des plus grands talents du cinéma d’animation suisse.