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Fils de Vatican II

60 ans du Concile. L’abbé Claude Ducarroz était séminariste dans les années soixante. Il a vécu la préparation et la célébration de Vatican II de l’intérieur et nous raconte cette page de l’Église.

Un concile ? Pour quoi faire ? Ça ne sert à rien depuis que le concile du Vatican (1870) a reconnu la pleine juridiction du pape sur l’Église universelle, ainsi que son infaillibilité en matière de foi et de mœurs. Roma locuta, causa finita. Le pontificat de Pie XII (1939-1958) ne venait-il pas d’illustrer parfaitement cet adage : quand Rome a parlé, tout est dit ? Il n’y a qu’à obéir. C’était compter sans Jean XXIII. Quelques mois après son élection, il annonçait la convocation d’un prochain concile (25 janvier 1959).

« Tout à coup soufflait un vent de l’Esprit dans les vénérables voiles de la barque catholique. »

Claude Ducarroz

Des précisions ne tardèrent pas à surgir : un concile pastoral – plutôt que doctrinal – qui viserait un aggiornamento (mise à jour) de l’Église dans le monde de notre temps et favoriserait l’unité des chrétiens.

J’ai accompli toute ma formation en vue de la prêtrise au cours de la préparation et de la célébration du concile puisque j’ai été ordonné prêtre l’année de sa conclusion en 1965. Je suis un enfant de Vatican II. Dieu merci !

À l’annonce du concile, j’ai eu l’impression que toute notre Église, après une glorieuse léthargie, se remettait en mouvement, accueillait du sang neuf dans ses veines fatiguées, ouvrait de nouvelles portes sur l’extérieur pour réapprivoiser le monde afin de le mieux évangéliser. Tout à coup soufflait un vent de l’Esprit dans les vénérables voiles de la barque catholique.

Une nouvelle Pentecôte

Dans une prière composée par le pape et largement répandue, on suppliait pour qu’advienne – sur l’Église et le monde – une nouvelle Pentecôte ! Dès lors, la belle rose conciliaire a pu déployer tous les pétales de sa floraison, non sans traverser toutes les saisons de la météo ecclésiale. D’audacieuses libertés suscitaient d’intéressantes diversités, y compris parmi les évêques et grâce à des rafales de renouveaux théologiques.

Lesdits conservateurs et lesdits progressistes montaient tour à tour sur l’ambon des débats conciliaires. Séminaristes, nous suivions avec passion les péripéties oratoires du forum romain, sous la surveillance de nos professeurs qui essayaient de calmer notre jeu, par exemple en limitant nos sources d’information. Quand un courant d’air pentecostal secoue la vieille maison Église, certaines portes claquent et surtout, on ne peut les refermer si rapidement.

Entre scepticisme et joyeuse espérance, nous explorions de nouveaux espaces occupés par des dialogues inédits. Des pasteurs sont venus nous parler d’œcuménisme, des couples ont témoigné pour une pastorale renouvelée dans les familles, des militants de l’Action catholique nous démontraient ce que pouvaient dire et faire des laïcs insérés en plein monde.

Une Église rajeunie

Il y avait une belle animation parmi nous. Nous avions le sentiment de participer à un kairos de l’histoire de l’Église, qui aurait une influence durable sur la pastorale à venir. Les changements liturgiques qui s’annonçaient stimulaient notre imagination. Bientôt, nous allions être les premiers serviteurs des réformes espérées. Y compris, peut-être, dans la manière d’être prêtre en pleine pâte humaine, si possible sans soutane, au plus proche de la vie des gens.

Des mots un peu rassis – comme du pain oublié dans le buffet – reprenaient des couleurs en ce printemps d’Église : la Parole de Dieu, l’esprit communautaire, l’apostolat des laïcs, le dialogue tous azimuts, l’insertion dans la société, la révision de vie, la liberté de conscience, etc. En un mot, le baptême et toutes ses fécondités, en Église rajeunie, avec une spiritualité de liberté et de partage.

Évènements majeurs

Immédiatement après le concile, trois évènements ont « imprimé » pour toujours ma vie d’homme, de chrétien et de prêtre.

La « mission de Fribourg » (1967-1970), grâce à l’apport de nombreux prêtres venus d’ailleurs, nous a mis sous la « forme conciliaire » d’une manière très fraternelle. Les évènements de 1968 sont venus rappeler que notre Église ne pouvait pas échapper aux convulsions d’une société enceinte de profonds bouleversements. Et les synodes 72, au plan diocésain et au niveau suisse, ont insufflé un bienfaisant dynamisme pastoral, dans la foulée d’un concile que nous voulions mettre en application concrète et immédiate, avec audace et engagement.

Et la suite ? C’est encore une autre histoire !

par l’abbé Claude Ducarroz pour le journal relais no. 42 de février 2022.