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L’église du Christ-Roi au coeur de Pérolles

Après avoir consacré plusieurs articles à des églises pluriséculaires, le temps est venu de se pencher sur une église relativement récente et néanmoins très importante dans le paysage religieux fribourgeois : l’église du Christ-Roi à Pérolles.

PAR SÉBASTIEN DEMICHEL | PHOTOS : DR, V. BENZ

L’histoire du Christ-Roi est indissociable de celle du quartier de Pérolles qui apparaît au tournant du XXe siècle. La création du Boulevard, décrétée en 1895 par le Conseil d’État, nécessite d’importants travaux, et en particulier le comblement de deux ravins. D’abord appelé « Avenue de l’Université », le boulevard s’urbanise autour de 1900. S’y installent des bureaux d’architecte et des personnes ayant fait fortune dans le commerce et l’industrie. Assez rapidement, le quartier gagne en dynamisme, sa population augmente et le besoin d’une nouvelle église se fait sentir.

Une église moderne dans un quartier moderne
Après un premier projet d’église avorté sur le terrain des Pilettes, Mgr Besson charge en 1930 l’abbé Joz-Roland de créer une nouvelle paroisse à Pérolles consacrée au Christ-Roi. À cette époque, la fête du Christ-Roi est très récente puisqu’elle vient d’être instituée en 1925 par l’encyclique Quas primas du pape Pie XI pour lutter contre la sécularisation et réaffirmer la royauté du Christ sur les nations.

Il s’agit ensuite de trouver l’emplacement adéquat pour une nouvelle église. Mgr Besson choisit alors le terrain mis à disposition par l’oeuvre de Saint-Paul en 1932, en face de son imprimerie. Dans un premier temps, la séparation avec la paroisse-mère (Saint-Pierre) n’est pas envisagée, si bien qu’est créé en 1940 le rectorat du Christ-Roi qui assure le service religieux dans les chapelles de Saint-Joseph de Cluny et des Marianistes à la villa Saint-Jean.

Du projet initial à la réalisation concrète
Après la guerre, la nécessité de la consécration d’une église au Christ-Roi, prince de la paix, est réaffirmée. C’est aussi une marque de reconnaissance envers Dieu pour la préservation de la Suisse lors de cette période tourmentée. Il s’agit alors de construire une véritable « cité paroissiale » (église de 700 places assises, chapelle de semaine de 200 places, cure, locaux pour les oeuvres paroissiales, immeubles locatifs). C’est en tout cas le programme du concours lancé en 1943 et décroché par les architectes Fernand Dumas et Denis Honegger.

En 1947, la paroisse du Christ-Roi est proclamée solennellement et la première assemblée paroissiale se prononce pour la mise en chantier immédiate de l’église. La construction de l’église débute 4 ans plus tard en 1951. Dumas étant très malade, Honegger confie à Emilio Antognini la surveillance des travaux avant de le désigner comme troisième architecte. Après deux ans de travaux, l’église accueille sa première messe à Noël 1953, et est consacrée au Christ-Roi par Mgr Charrière le 24 avril 1954.

Architecture et iconographie de la Croix
Construite exclusivement en béton, l’église du Christ-Roi est le résultat d’une démarche néoclassique voulue par Honegger, avec notamment une nef centrale et des allées semi-latérales convergeant vers le choeur surmonté d’une coupole. Ce plan en éventail, symétrique et équilibré, favorise l’effet de communion des fidèles.

Dans les années qui suivent la construction de l’église, il convient de relever des ajouts iconographiques importants, directement liés au culte du Christ-Roi. Il s’agit premièrement d’insister sur la thématique de la croix qui renvoie à une royauté qui n’est pas celle de ce monde, la royauté d’un crucifié dont la mort annonce déjà la résurrection. En 1955, le peintre fribourgeois Armand Niquille réalise un chemin de croix en 14 tableaux aux fonds dorés insérés dans le mur de béton. Chaque tableau représente une station de la Passion du Christ (voir l’article sur le chemin de croix dans un numéro précédent). En 1957, le sculpteur catalan proche d’Honegger Apel·les Fenosa réalise le majestueux Christ en bronze de près de trois mètres dominant l’autel et illustrant la royauté du Crucifié.

Une deuxième série de travaux
Les années 1960 sont consacrées à des travaux d’agrandissement : achèvement de la grande salle, construction des chapelles et de la cure. On renonce en outre au projet de campanile initialement prévu sur le parvis de l’église.

À la fin des années 1960, le Conseil de paroisse confie au cardinal Journet la tâche de définir l’iconographie des vitraux de l’église. Leur réalisation est confiée à l’artiste Théodore Strawinsky. En 1971, les trentehuit verrières sont bénies. Elles croisent des scènes de l’Ancien Testament qui préfigurent la royauté du Christ et des scènes du Nouveau Testament qui témoignent de celle-ci. En apothéose, une longue cohorte de dix-huit anges annonce la gloire du Christ et forme une sorte de « diadème du Christ-Roi ».

Quant aux vitraux des chapelles, ils sont réalisés par des artistes fribourgeois. En 1972, Yoki Aebischer réalise ceux de la chapelle dite « de semaine » (transformée dans les années 1980 en chapelle mortuaire) dont l’iconographie traite des litanies de la Vierge. Peu après, Bernard Schorderet crée les vitraux de la chapelle Notre-Dame qui retracent des scènes de la vie de saint Jean-Baptiste et de saint Paul.

Le Christ-Roi aujourd’hui
Aux lumières d’or (vitraux et chemin de croix) et de bronze (crucifix et vierge au pilier), la lumière d’argent est ajoutée au début des années 2000 par l’acquisition des objets liturgiques de l’orfèvre Goudji dont une croix processionnelle, des flamberges ou encore un calice qui font aujourd’hui partie du trésor du Christ-Roi. Lors de sa récente assemblée paroissiale en mars dernier, le Christ-Roi a décidé de réaménager ses espaces extérieurs en transformant notamment le parking en jardin boisé et en plantant un tilleul sur le parvis de l’église.


Bibliographie
LAUPER, Aloys (et al.), « L’église du Christ-Roi à Fribourg », Patrimoine fribourgeois, 10, 1998.
PASSER, Laurent, Lumières d’or, de bronze et d’argent : les oeuvres d’art en l’Église du Christ-Roi, Fribourg (Suisse), 2008.