Soixante ans de ministère
Abbé Claude Nicod, la joie de servir le Christ.
Publié le 11 septembre 2024
Avez-vous pu, ne serait-ce que quelques jours, vivre durant cet été le «repos de notre cerveau» auquel nous invitait le dernier numéro de Trait d’Union ? Je vous le souhaite…Mais est-ce déjà du passé ? Comment ne pas replonger, après une (trop) courte trêve, dans les inquiétudes, tensions ou conflits qui assaillent notre monde et […]
Avez-vous pu, ne serait-ce que quelques jours, vivre durant cet été le «repos de notre cerveau» auquel nous invitait le dernier numéro de Trait d’Union ? Je vous le souhaite…
Mais est-ce déjà du passé ? Comment ne pas replonger, après une (trop) courte trêve, dans les inquiétudes, tensions ou conflits qui assaillent notre monde et peut-être notre vie ?
Une des pistes les plus fécondes me semble résider dans la notion biblique de «paix». Tout sauf un slogan, une abstraction ou un signe de naïveté, le Shalom biblique est un don aux multiples facettes qui traverse toute l’Écriture et qui mériterait de traverser également nos vies. En effet, quel besoin ! Dans nos familles, nos lieux d’engagement, nos sociétés, ce monde si déchiré…
«Heureux les artisans de paix» déclare Jésus dans une béatitude bien connue (Mt 5.9). Là je dois avouer que je jalouse un peu nos amis anglais ou allemands qui peuvent le dire d’un seul mot: peacemaker ou
Friedensstiftenden. Mais l’essentiel n’est pas là ! Ce qui me frappe, c’est la promesse qui y est liée: «ils seront appelés fils de Dieu». Seule béatitude qui touche à l’identité, à la filiation. C’est très fort ! Magnifique manière de dire la centralité de cette paix et l’importance d’en être artisan. D’ailleurs presque toutes les lettres du Nouveau Testament commencent ou se terminent par la mention de la paix; elle est une salutation, une promesse actualisée et une espérance, tout en étant à rechercher avec zèle.
Dans nos réalités humaines, la paix est généralement synonyme d’absence de conflit. Et c’est déjà pas mal! Combien de millions d’hommes, de femmes, d’enfants, verraient déjà leur quotidien redevenir un peu viable si cette paix-là, comme «simple» absence de conflit pouvait devenir réalité ? Et pourtant cela semble si difficile. Où sont les artisans de paix ?
Dans la perspective biblique, la paix est bien davantage que l’absence de conflit. Elle est réconciliation réelle, communion retrouvée, vie partagée. Voilà pourquoi Jésus ne la donne pas comme le monde donne (cf. Jn 14.27).
Finalement, le Shalom, la paix véritable, ne découle que d’une relation restaurée avec Dieu lui-même. C’est pour cela que Jésus-Christ est à la fois, par sa mort et sa résurrection, notre justice et notre paix (Ep 2.14-15). C’est là le cœur de l’Évangile que, déjà, les anges chantent dans la nuit de Noël «paix sur la terre…» car une ère nouvelle s’est ouverte.
«Justice et paix s’embrassent !» proclamait quant à lui le psalmiste (Ps 85.11), soulignant ainsi, des siècles plus tôt, l’exigence de cette paix qui, pourtant, n’est que don. C’est là que la perspective biblique s’oppose à toute fausse paix, à toute paix superficielle qui penserait pouvoir faire l’économie d’un travail de fond ! C’est en ce sens que Jésus n’apporte pas la paix mais l’épée… car il faut d’abord que nos motivations soient mises à nu, la repentance expérimentée, le pardon réellement désiré (cf. Mt 10.34-36 et Hé 4.12). À toute époque, ce sont les faux prophètes qui disent «paix, paix, et il n’y a pas de paix» (Jé 8.11).
Loin de l’orgueil, du mensonge ou de la démesure, là se trouvent les artisans de paix.
Et nous, où sommes-nous ? Comment sommes-nous artisan de paix dans notre vie concrète et quotidienne, en gestes, paroles et attitudes ? Non pas dans une approche de «devoir faire», mais d’une mise en mouvement par l’Évangile, humble et persévérante, là où tout est grâce.
Contrairement à beaucoup d’affirmations, et parfois d’invectives, qui remplissent nos médias ou nos vies, les pensées bibliques égrenées au fil de ce texte ne sont pas des slogans. Elles sont -et c’est tout autre- à la fois mots d’ordre et promesses, chemin de vie à s’approprier sans cesse à nouveau.
Alors, bonne route à chacune et chacun, personnellement et en communauté, route emplie d’espérance, de remise en question (parfois) et de la grâce (toujours) sans laquelle rien n’advient. Et que Christ soit notre paix !
Pasteur Frédéric Hammann