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Nouvelle traduction du Missel romain

« L’entrée en vigueur de la nouvelle traduction du Missel romain est l’occasion de travailler à une meilleure compréhension de ce que nous célébrons, à retrouver le sens fort de ce que veut nous dire la liturgie », explique Mgr Bernard Nicolas Aubertin, archevêque émérite de Tours, qui a dirigé la nouvelle traduction du missel romain.

Il remarque que certains changements peuvent paraître anodins, mais qu’ils ont une réelle importance au niveau de la signification. « Avec cette nouvelle traduction, nous sommes plus proches du texte latin. » Décryptage.

Comment s’est créé le missel ?

Le missel tire son origine du récit du dernier repas pascal du Christ. Dans la tradition des apôtres et de l’Église, petit à petit nous avons pris l’habitude de célébrer l’eucharistie en reprenant les paroles du Christ qui dit « faites ceci en mémoire de moi ». Au fil du temps s’est constitué un rituel autour de ces quelques mots. Le Christ n’a pas élaboré des consignes pour célébrer l’eucharistie. Ainsi chaque communauté a créé un rituel très diversifié selon sa langue et ses coutumes. La partie intangible est le récit de l’institution.

Le missel est le rassemblement des habitudes du pape additionné de pratiques d’autres églises et paroisses de Rome. Les personnages qui ont joué un rôle important dans la composition du Missel romain ont été les Carolingiens. Charlemagne et sa famille ont cherché à uniformiser la liturgie. Charlemagne désirait que dans l’ensemble de son empire on commémore Dieu partout de la même manière. Il a envoyé un émissaire à Rome pour collecter les documents que le pape utilisait pour célébrer l’eucharistie et il les a complétés avec divers recueils, parmi lesquels ceux de la tradition germanique, notamment dans les foyers monastiques de Metz, composés d’antiennes, de canons eucharistiques et de différentes lectures proclamées au cours de la messe.

En résumé, qu’est-ce que le missel ?

Le missel est le livre liturgique qui est apparu à la fin du 10e siècle et qui englobe l’ensemble des textes de la messe. Ces textes étaient répartis en trois volu-mes. Tout d’abord, l’antiphonaire ou le livre des chantres qui contenait les antiennes, les psaumes et les chants. Puis il y avait le lectionnaire, livre du lecteur, qui donne toutes les lectures de la Bible qui sont utilisées durant la messe. Enfin, le troisième livre était le sacramentaire qui indiquait le déroulement du rite en lui-même. Ces trois recueils assez composites ont été réunis en un volume que nous avons appelé missel. Comme ce dernier avait été principalement composé à partir d’éléments qui venaient de Rome, nous l’avons appelé Missel romain.
Dans l’Église latine, nous avons un seul rite pour la plus grande partie de l’Église catholique (mis à part le rite dit ambrosien dans le milanais et le rite mozarabe dans certaines régions d’Espagne). Tandis que les liturgies orientales sont beaucoup plus diverses.

Cette nouvelle traduction peut être l’occasion d’approfondir et de nous réapproprier un certain nombre de choses.

Mgr bernard nicolas aubertin

Ce missel a-t-il évolué au cours des siècles ?

Le missel s’est constitué petit à petit. La phase la plus importante est liée au Concile de Trente (1545-1563). Ce concile de la Contre-Réforme utilise les documents existants et promulgue en 1570 le premier Missel romain. Lorsque certains parlent de « la messe de toujours », c’est un « toujours » récent de moins de cinq siècles.

Ce missel se modèle beaucoup sur la messe privée, c’est-à-dire sans fidèles. Il y avait un déficit au niveau de la parti-cipation des fidèles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous disions autrefois « nous assistons » à la messe. Le thème principal du Concile Vatican II en matière de liturgie a été justement la participation active de l’assemblée. Les fidèles ne sont pas simplement présents à quelque chose qui se déroule devant eux, mais ils participent à une action présidée par le prêtre. Le Concile Vatican II a insisté sur cette participation active de l’assemblée et sur le rôle de la Parole de Dieu. Il a fait en sorte que la totalité des textes du Nouveau Testament soit pro-clamée au cours de l’eucharistie dominicale sur un cycle de trois ans et qu’une grande partie de l’Ancien Testament le soit au cours des messes du dimanche et de semaine. L’objectif était que la Parole de Dieu soit beaucoup plus présente et offerte à la prière de tous.

Un missel a été promulgué par le pape Paul VI à la suite du concile. Le texte sur la liturgie a été voté le 4 décembre 1963, avec 2147 voix pour et 4 voix contre. Il n’y avait pas beaucoup de contestations. Le but était de permettre au peuple chrétien de bénéficier des grâces de la liturgie, de se saisir des textes et d’y participer par une célébration pleine, active et communautaire (Sacrosanctum Concilium n°21).

Le n°50 de cette constitution sur la sainte liturgie précise que « le rituel de la messe sera révisé de telle sorte que se manifestent plus clairement le rôle propre ainsi que la connexion mutuelle de chacune des parties, et que soit facilitée la participation pieuse et active des fidèles ».

Autrefois, nous disions de manière un peu curieuse que la messe était valide si nous arrivions pour l’offertoire. La liturgie de la Parole n’avait pas d’importance. Depuis le Concile Vatican II, il faut bien comprendre que les deux tables doivent être vécues ensemble. Il y a une connexion entre la liturgie de la Parole et celle de l’eucharistique. Ensuite, il y a eu une épuration des rites en enlevant tout ce qui avait été redoublé, rajouté au cours des siècles afin de revenir à quelque chose de plus sobre.

En résumé, on peut dire que le missel de Vatican II avait comme mission de manifester plus clairement le rôle propre de chaque partie de la messe, de faciliter la participation active afin que chacun se sente concerné, de simplifier les rites en gardant leur substance, d’éliminer certains ajouts inutiles et de rétablir certains éléments disparus comme la prière des fidèles.

En janvier 1964, Paul VI crée une commission chargée de procéder à la réforme liturgique. En 1970, paraît la première édition en latin du Missel romain. En 1975, il y a une seconde édition avec quelques modifications. En 2002, Jean Paul II promulgue la troisième édition. Il ne s’agit donc pas d’un nouveau missel, ce que nous recevons actuellement est la traduction de la troisième édition du Missel romain de 1970.

Pourquoi cette nouvelle traduction du Missel romain ?

Ce n’est pas que la francophonie qui a été priée de revoir sa copie, ces normes sont valables pour les traductions dans les différentes langues du monde. Le cardinal préfet de la congrégation pour le culte divin, à la suite de la promulgation du missel du pape Jean Paul II, a donné un certain nombre de règles pour la traduction. Ces normes demandent une traduction presque littérale de la version originale en latin.

L’intégralité doit être traduite et la structure du missel doit être respectée afin que partout il soit organisé de la même manière. Il s’agit d’une sorte d’uniformisation, avec un souci presque scrupuleux d’une traduction la plus proche possible du texte latin. Une traduction n’est pas simplement un mot à mot. Il faut comprendre le sens et ne pas le changer. Chaque langue a son propre génie et la langue latine a des formules qui ne sont pas toujours aisées à traduire. Parfois pour traduire un terme, il faut en mettre trois ou quatre, donc cela a nécessité un long travail.

Mgr Bernard Nicolas Aubertin, archevêque émérite de Tours, qui a dirigé la nouvelle traduction du missel romain.

Comment ce missel est-il composé ?

La première partie du missel est la présentation générale. Nous n’aimons pas lire les modes d’emploi, or cette présentation est fondamentale. Elle explique le sens de chacune des parties de la messe, donne l’esprit et l’importance de la messe pour la vie chrétienne, indique le déroulement, les divers éléments, le rôle de l’assemblée et celui des différents ministres (prêtre, animateur, chantre, chorale, répons). Elle dispense des principes pour la disposition et l’ornementation des églises, l’organisation du sanctuaire (autel, ambon, siège du président). Nous trouvons aussi des règles pratiques pour le choix des textes et des lectures ainsi que pour les chants.

Ensuite, il y a le calendrier liturgique général et le calendrier particulier pays par pays ou par zone linguistique puis ensuite par pays. Ce calendrier propre à chaque pays contient les saints et les fêtes honorés principalement dans le pays par rapport à l’Église universelle.

Après, il y a le missel proprement dit. La première partie du missel est le propre du temps. Pendant le cycle de l’année, l’Église commémore tout le mystère du Christ depuis l’incarnation jusqu’à la Pentecôte et à l’attente du retour du Seigneur (l’avent, Noël, carême, le temps pascal et le temps ordinaire qui représente trente- trois ou trente-quatre semaines).

Dans la deuxième, nous trouvons la liturgie de la messe. La troisième partie est le sanctoral. Nous désignons ainsi l’ensemble des solennités, des fêtes et des mémoires des saints.

La quatrième partie comprend toutes les célébrations spéciales ou particulières, notamment la célébration des sacrements, les messes à différentes intentions et les messes pour les funérailles.

Pensez-vous que cette nouvelle traduction avec les ajouts qui ont été faits aide les prêtres et les fidèles à entrer davantage dans l’intelligence du mystère pascal du Christ ?

Lors d’une nouvelle version, nous voyons toujours d’abord les inconvénients. Nous avons acquis des automatismes et il faut de nouveau faire attention. En même temps, cette nouvelle traduction peut être l’occasion d’approfondir et de nous réapproprier un certain nombre de choses. Ce ne sont pas des changements spectaculaires, mais ils ont un sens très fort.

Par exemple dans le récit de l’institution nous disons : « Il prit le pain, le bénit, le rompit et le donna à ses disciples ». Cette traduction risque de réduire l’Eucharistie à du seul pain bénit. Or le Christ nous dit bien autre chose lorsqu’il nous demande de « faire ceci en mémoire de lui ». N’oublions pas que l’Eucharistie a été instituée au cours du dernier repas que Jésus a pris avec ses disciples : ce repas est celui que toutes les familles juives célèbrent chaque année pour faire mémoire de la libération du peuple hébreux. Nous avons donc traduit benedixit par « il dit la bénédiction ». Lorsque l’on dit la bénédiction, nous rendons grâce à celui qui nous donne le pain, à celui qui nous donne la coupe… Le Christ dit : « Ceci est mon Corps… Ceci est mon Sang… » Nous faisons donc mémoire du corps livré, rompu, du sang versé pour le salut de l’humanité. Le pain et le vin sont alors bien autre chose que du pain ou du vin bénits.

Propos recueillis par Véronique Benz