Art sacré

Estavayer: retour du retable de Hans Geiler chez les dominicaines

Les dominicaines d’Estavayer-le-Lac (FR) ont célébré le 15 août 2020 le retour dans leur couvent d’un retable du 16e siècle réalisé par le sculpteur fribourgeois d’origine alsacienne Hans Geiler. L’œuvre restaurée est revenue dans le monastère broyard après maintes tribulations.

«Ca y est, il est rentré à la maison et il a fallu lui mettre une cage en verre autour, pour ne pas qu’il reparte», a déclaré Sœur Anne-Sophie Porret, prieure du couvent d’Estavayer, relayée par le journal La Broye. Les religieuses ont célébré, lors d’un vernissage, le 15 août 2020, le retour du «triptyque d’Estavayer-Blonay». Une cinquantaine de personnes ont participé à l’événement, dont des représentants des autorités publiques.

Le retable fabriqué en 1527 trône désormais dans une vitrine qui le préserve des variations de température et de l’humidité ambiante. Le triptyque est un exemple rare d’œuvre d’art de haute importance ayant retrouvé son cadre d’origine. Son coffre présente de magnifiques sculptures de tilleul réalisées par Hans Geiler et ses assistants. Dans le panneau central, Marie – patronne du monastère – est représentée comme la vierge de l’apocalypse, la lune à ses pieds, avec dans ses bras l’enfant Jésus, qui tient en sa main un globe et bénit de l’autre.

Une œuvre en exil

Le retour de l’objet dans le couvent a été possible après un certain nombre de péripéties. Le retable avait été commandé par la moniale Sœur Maurice de Blonay et Claude d’Estavayer, abbé de Hautecombe, en Savoie, à Hans Geiler, l’artiste actif à Fribourg le plus réputé de l’époque. Il était destiné à orner le maître-autel de l’église du monastère d’Estavayer-le-Lac, notent les dominicaines sur leur site internet. Il y est resté près de deux siècles. Survivant même à la furie iconoclaste de la Réforme protestante du 16e siècle.

En 1702, suite à la reconstruction de l’église, le retable a été relégué au bas du collatéral de droite, en face de la porte d’entrée. Et en 1882, la communauté, qui avait besoin de fonds pour financer une nouvelle rénovation de la chapelle, l’a vendu à un antiquaire de Lausanne pour une bouchée de pain. Celui-ci l’a ensuite cédé à la famille de Blonay, dans le canton de Vaud, de parenté avec Sœur Maurice de Blonay, et qui avait partiellement financé à l’époque la fabrication de l’oeuvre. Cette dernière a été placée dans le château de Grandson, qui appartenait à cette famille.

Restauration et retour

En 1958, le triptyque a été racheté par la fondation Gottfried Keller avec l’aide d’amis de la communauté. Le retable a alors été complètement restauré et replacé dans la nef de l’église du monastère en 1961. Mais, avec les années et les variations d’humidité de l’édifice, l’artefact s’est dégradé à nouveau. À l’occasion de l’exposition «Sculpture 1500» au Musée d’art et d’histoire de Fribourg, en 2011-2012, il a fait l’objet d’une nouvelle restauration, avant d’être exposé au musée. Grâce à un compromis avec le musée, le triptyque a finalement pu rejoindre son lieu d’accueil originel, dans le couvent staviacois.

A l’occasion du vernissage, les personnalités présentes ont salué le retour de l’œuvre. Nicolas Kilchoer, préfet de la Broye fribourgeoise, a profité de l’occasion pour remercier les moniales des nombreux gestes qu’elles ont effectués pendant la pandémie.

Georges Godel, conseiller d’Etat, a souligné l’importance qu’accordait le gouvernement fribourgeois au maintien du patrimoine cantonal. (cath.ch/labroye/com/rz)

Hans Geiler
En ce début du 16e siècle, Fribourg est prospère de sa fabrique de drap et la ville est en pleine effervescence artistique. Le sculpteur Hans Geiler, venant du Haut-Rhin, s’y installe et s’y impose rapidement comme le meilleur artiste de la ville. Outre le retable d’Estavayer-Blonay, on lui doit la Vierge à l’enfant (Vierge Tièche) de l’église Saint-Nicolas de Fribourg, le Retable de Furno, dans l’église des Cordeliers de Fribourg, la Fontaine de saint Georges de la place de l’Hôtel de ville de Fribourg, ou encore le Saint Diacre, visible au musée d’art et d’histoire de Fribourg.

Le sculpteur a obtenu la bourgeoisie de Fribourg en 1516. Il est mort dans la ville des Zähringen en 1534 ou 1535. RZ