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Le lectorat et acolytat pour tous : une ‘évolution’ ou un ‘coup de pub’ ?
Publié le 08 février 2022
Plus d'un an après le motu proprio Spiritus Domini, par lequel le Pape modifie le Code de Droit canon avec l’ouverture aux femmes des ministères du Lectorat et de l’Acolytat sous une forme stable et institutionnalisée, avec un mandat spécifique, notre diocèse vient d'instituer les deux premières femmes. Un regard pastoral.
Une évolution ?
Regardons l’histoire. C’est suite aux décision du concile Vatican II, principalement dans les constitutions Sacrosanctum Concilium sur la liturgie et Lumen Gentium sur l’Église, qu’il faut situer et comprendre le motu proprio Ministeria Quaedam du pape Paul VI le 15 août 1972 avec lequel il institura deux ministères qui sont explicitement la réforme des anciens lectorat et acolytat, jusque-là des étapes obligatoires vers l’ordination au diaconat.
L’ouverture de ces ministères qui « peuvent être confiés à des laïcs » (art. III) c’est la grande nouveauté du motu proprio, car il ne s’agit pas ici d’une mission temporaire, mais bien d’un état stable (pérenne). C’est pourquoi ces ministères devaient théoriquement être confiés, par bénédiction, à des personnes reconnues ‘idoines’ après un réel discernement dont bien entendu leur engagement dans une communauté chrétienne.
Par contre, l’article VII qui « réserve aux hommes » ces ministères est à comprendre dans le contexte où le débat portait sur les ordres mineurs (comme chemin vers l’ordination). L’exclusion des femmes était logique dans cette perspective, puisqu’il était alors impensable de les faire entrer de près ou de loin dans le clergé.
Un coup de pub ?
50 ans plus tard, la restriction est supprimée. Pour les théologiens Arnaud Join-Lambert et André Haquin ce changement devrait être « un non-événement parce que depuis 1972, des laïcs (hommes et femmes) ont continué à annoncer la Parole, à la proclamer, à la commenter y compris dans des liturgies, à l’enseigner, et bien entendu à la méditer et à s’en nourrir. Par contre, pas d’institution formelle ni rituelle, y compris pour ceux et celles qui en ont mission ou mandat, ou même dont c’est LE métier ».
L’accent médiatique sur l’ouverture aux femmes peut être interprété comme un ‘coup de pub’ d’une institution souvent décrit comme peu (voir pas du tout) moderne, mais le changement est plus profond qu’une simple action médiatique.
Avec le motu proprio Spiritus Domini, nous pouvons vraiment parler de ministères fondés sur le baptême et la confirmation avec un rite d’institution et bénédiction spécifique. C’est donc une grâce propre qui est donnée aux personnes bénies, afin qu’elles accomplissent leur ministère pour le bien et la sanctification de tous.
La véritable égalité régnant entre tous quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du Corps du Christ même si certains, par la volonté du Christ, sont institués docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres
Lumen Gentium 32
Il n’y a rien qui change
Dans la pratique pastorale il n’y a pas de gros changements, car les laïcs peuvent toujours lire la Parole de Dieu (dans les assemblées ou en privé) et être des dispensateurs auxiliaires de la communion.
Cependant, pour la personne qui reçoit un de ces ministères la reconnaissance de la part de la communauté (paroissiale, locale ou religieuse) et par l’institution (dans la personne de l’évêque ou de son représentant) qu’elle se donne au service pour le bien de tous sera la nouveauté majeure. C’est aussi pour cela que l’institution du ministère devrait se faire avec la présence de la communauté.
Recevoir un de ces ministères c’est une forme d’engagement qui donne sens à sa vocation baptismale propre, c’est toute la vie du baptisé qui est engagé. Car tous les baptisés sont appelés lire et partager la Parole de Dieu ou se nourrir du Corps du Christ, mais pour les nouveaux ministres cela devient une exigence d’autant plus forte.
Regardons maintenant à quoi s’engagent le lecteur et l’acolyte à l’aide du rituel proposé pour l’institution des ministères :
La prière de bénédiction demande à Dieu que les lecteurs et lectrices « se nourrissent de ta parole, qu’ils se laissent former par elle et l’annoncent fidèlement à leurs frères ». Le rite consiste en la transmission du livre de la sainte Ecriture avec ces mots : « transmettez fidèlement la Parole de Dieu qu’elle s’enracine et fructifie dans les cœurs ». Recevoir le ministère du lectorat n’est donc pas réductible à la seule action de lire à la messe.
Le rituel propose de dire « vous devrez désormais vous attacher à ce que les fidèles soient formés à la prière et participent, de façon active et consciente, à la célébration commune du Dieu vivant. C’est le même corps du Christ que vous servirez, lorsque vous aiderez les prêtres et les diacres à donner la communion aux fidèles, y compris aux malades. Par ce service de l’eucharistie, vous contribuerez à la croissance et à l’unité de l’Eglise, en permettant au plus grand nombre de se nourrir du pain rompu et donné pour la multitude ».
La prière d’institution invoque la bénédiction de Dieu en ces termes : « qu’ils grandissent dans la foi et la charité qu’ils sachent animer la prière de l’assemblée et qu’ils soient fidèles à distribuer le pain de vie pour que s’édifie ton Église. » Le rite est la transmission du pain et de la coupe de vin. Comme pour le lectorat, le rite de ce sacramental est important pour manifester la différence d’avec un simple service ponctuel, et pour soutenir ce ministère par la bénédiction de Dieu.
Une opportunité pastorale
Pour les théologiens Arnaud Join-Lambert et André Haquin « les ministères du Service de la Parole et/ou le Service de l’eucharistie c’est l’occasion de renforcer la pertinence d’un appel plus large et une chance de renouveau ecclésial » et ils vont même proposer quelques pistes :
- Bien les distinguer. Tel personne pourrait être lecteur et tel autre acolyte sans que les deux ministères soient conférés à chacun. Chaque ministère concerne en effet des actions différentes lors du rassemblement dominical et dans les services à la communauté chrétienne ;
- Instituer lecteurs les baptisés engagés dans la catéchèse, le catéchuménat, l’animation biblique, la présidence et la prédication dans des funérailles ou d’autres célébrations de la Parole, mais aussi dans des ministères de type missionnaire (comme par exemple l’institution des deux chanteurs du groupe Glorious) ;
- Rien n’empêche que les visiteurs de malades soient institués et bénis spécifiquement pour ce service. Ainsi que des personnes engagées dans la promotion de l’adoration eucharistique (groupes de prière, etc.), mais aussi dans les écoles d’oraison, l’accueil des sanctuaires.
- Le lien à une communauté chrétienne doit rester un critère majeur de discernement.
Ce besoin du renouveau ecclésial nous avons fait l’épreuve lors des confinements et semi-confinements dus à la Covid-19, qui ont montré une passivité de nombreux catholiques dans l’attente des indications et incitations de leurs pasteurs.
Avec des ministres au service de la Parole et de l’eucharistie les communautés locales pourraient être plus vives.
João Carita