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Passer de l’humiliation à l’humilité

Mardi 26 mars, près de 250 agents pastoraux du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, se sont retrouvés à Belfaux autour de leur évêque, Mgr Charles Morerod, pour parler des abus et du cléricalisme en Église. Le but de ces deux demi-journées était de partager et d’échanger sur ces thématiques qui secouent l’Église.

Mgr Morerod

Comment est-ce que je vis la situation actuelle dans l’Église? Quelle est mon expérience des rapports d’autorité dans l’Église? Par petits groupes, les agents pastoraux ont été invités à partager sur ces deux questions.

Tous les agents pastoraux, évêque, prêtres, diacres, laïcs se sentent concernés par ces situations dramatiques. Ils ressentent une grande souffrance pour les victimes et ceux qui en pâtissent. «Lorsqu’un membre est touché, tout le corps souffre.» Ils sont soucieux du climat de suspicion que cela entraîne. Le soupçon assez généralisé est lourd à porter surtout pour les prêtres.

La parole libérée est signe d’espérance

Les participants à ces rencontres font part de leur sentiment de tristesse, de colère, de surprise, d’impuissance, d’incompréhension, de confiance perdue, de lassitude, c’est choquant, décourageant, blessant… Mais la parole qui se libère est pour eux un signe d’espérance.

«C’est une période difficile, mais aussi un temps de conversion et d’espérance», a affirmé Mgr Charles Morerod. Photos: Véronique Benz

Ils sont contents que la lumière soit faite sur ces situations. «La vérité nous rendra libres. « Cette difficile épreuve est également pour l’Église un temps de purification qui nous permettra un retour au Christ. Nous entrons dans un chemin de purification, de conversion. Il est temps de passer de l’humiliation à l’humilité.»

Pour tous les agents pastoraux, cette adversité est l’occasion à une centrée sur le Christ. Pour certains, elle est même salutaire. «Il faut aller à la racine et affronter nos fragilités. Ces dérives nous invitent à revenir à l’Évangile et à revoir notre conception de l’Église.» D’autres se questionnent: notre structure est-elle en authenticité avec l’Évangile? L’institution prend-elle la mesure de ce qui se passe? «Il faut essayer de comprendre le système qui a permis une telle tragédie.»

Les participants relèvent qu’il ne faut pas réduire les abus, aux abus sexuels. «Nous pouvons exploiter les gens de plusieurs manières: abus de pouvoir, abus dans l’accompagnement spirituel.» Les agents pastoraux constatent que les abus d’autorité existent dans tous les domaines de la pastorale et pas seulement en lien avec la sexualité et de la part de tous les acteurs, du bénévole au conseiller de paroisse. «Les abus de pouvoir sont assez généralisés dans la société. Chaque engagé doit rester vigilant, car dès que l’on a le pouvoir il est très facile de glisser vers la position d’abuseur.»
La prévention qui se fait aujourd’hui, tant dans la formation initiale que dans la formation continue prend en compte ces différents abus. Depuis 2014, tous les agents pastoraux ont l’obligation de suivre des formations continues dispensées par ESPAS.

L’autorité dans l’Église

«Je connaissais une religieuse apostolique docteur en droit canon, compétente et très appréciée de ses élèves. Elle a été nommée dans une congrégation romaine. Arrivée dans la congrégation, elle a été immédiatement mise au secrétariat et à la photocopieuse, alors que l’on avait confié de grandes responsabilités à un jeune prêtre qui n’avait pas terminé sa formation théologique. Lorsque j’ai relevé ce fait plusieurs personnes n’ont pas vu ce que cela avait de choquant.», témoigne Mgr Charles Morerod avec de la consternation dans la voix.

Les agents pastoraux soulignent que l’autorité devrait être exercée comme un service et que ce n’est pas toujours le cas. «Pour être crédible, il faut qu’il y ait une adéquation entre le message et les actes, sinon il y a le risque de voir le ministère comme un pouvoir.»
Ils relèvent que l’autorité n’est pas facile à exercer. L’autorité évangélique doit faire grandir et non asservir. Comme le disait le cardinal Journet: «Les grandeurs de hiérarchie doivent être au service des grandeurs de sainteté.»

Certains agents pastoraux sentent une hiérarchie très présente, lourde qui empêche souvent d’évoluer. «Le manque de prise de responsabilité est flagrant et il l’est de plus en plus à mesure que l’on monte dans la hiérarchie cléricale.» Ils relèvent également l’importance de la collaboration au sein de l’Église.

L’abbé Jean Glasson, vicaire épiscopal pour la partie francophone du canton, accueille les participants à la rencontre du 26 mars 2019 à Belfaux. Photo: Véronique Benz

«La situation que nous vivons amène certaines personnes à oublier tout ce que l’Église a apporté de positif dans le monde. Les gens n’ont plus confiance dans l’institution, cependant l’Évangile doit continuer à attirer, à nous d’être témoins de l’amour du Christ. Notre conversion n’est pas terminée. C’est une période difficile, mais aussi un temps de conversion et d’espérance. Nous devons assumer notre responsabilité sans croire que c’est nous qui dirigeons l’Église. Notre conversion ne fait que commencer, et comme vous le savez tout changement en Église prend du temps!», souligne Mgr Charles Morerod. Il conclut en questionnant: «Dans quelle mesure ne devrions-nous pas faire un synode?»

Prévention

Cette rencontre a aussi été l’occasion, pour les agents pastoraux, de poser des questions sur la «Charte contre les abus sexuels» et le schéma d’intervention qui l’accompagne. Ces deux documents sont en vigueur depuis le début de l’année 2019. Chaque agent pastoral a dû prendre connaissance de cette charte et la signer. Il a été également demandé à tous les agents pastoraux un extrait de leur casier judiciaire.

La charte comprend 4 principes: la tolérance zéro, la prévention, le recours à la justice et à des aides externes à l’Eglise, la responsabilité. Pour les bénévoles, notamment ceux qui travaillent dans la pastorale jeunesse et la catéchèse, une charte simplifiée a été élaborée.
Dans chaque vicariat, il y a des personnes de contact à disposition des agents pastoraux pour les aider dans toutes ces questions. Deux rencontres de ce type ont déjà eu lieu à Lausanne, une autre à Genève et une aura lieu prochainement pour la partie germanophone du canton. La «Charte contre les abus sexuels» et le schéma d’intervention sont disponibles sur le site du diocèse.

Véronique Benz