Changement climatique, ressources naturelles épuisées, protection de la biodiversité sont autant de problématiques qui imposent de repenser les modalités de notre organisation économique et politique en vue d’assurer le bien des générations à venir, mais aussi de reconsidérer la place de la théologie dans l’organisation sociale et religieuse du monde. Il s’agit d’autant de questions fondamentales de l’existence chrétienne. Notre préoccupation serait de savoir si le culte est un acteur crédible parmi ceux désireux de donner des réponses et de trouver des achèvements inédits.

La liturgie est-elle une source qui transmet la capacité de penser et d’agir dans le contexte de l’actualité ? Il est tout à fait possible de répondre à de vraies questions d’aujourd’hui puisque l’identité chrétienne a toujours été façonnée par la liturgie, activité privilégiée du chrétien. La question est de savoir si la liturgie peut être un témoin ecclésial des problèmes actuels. Dans le contexte des problématiques environnementales on pourrait se demander comment sont conçues la matière et la création dans la liturgie ? La liturgie trouve-t-elle dans sa nature et dans ses significations, des réponses à des problématiques en cours comme le changement climatique ? La liturgie est-elle une source qui transmet la capacité de penser, de parler et d’agir dans le contexte actuel ? Il est tout à fait possible de répondre à de vraies questions actuelles puisque l’identité chrétienne a toujours été façonnée par la liturgie, qui est l’activité privilégiée du chrétien.

Le culte est celui qui témoigne de la sollicitude chrétienne envers la Terre. La liturgie est en effet le lieu où l’on honore et l’on célèbre la création de Dieu. Elle est, structurellement, et dans le fond théologique de ses prières, un moyen d’appréciation et d’approfondissement de notre connexion avec Dieu dans la création. La prière de l’Église crée des cœurs convertis à une spiritualité centrée sur la création. La liturgie est une Actio de l’Église et elle contribue à développer une conscience chrétienne envers Dieu, envers soi-même, envers le monde.

Une attitude d’ignorance envers les problématiques de ce monde n’est aucunement compatible avec le message de l’Évangile qui considère la Terre comme un don et accorde aux humains la responsabilité particulière de prendre soin de ce don. Une telle attitude n’est pas en cohérence non plus avec le message de la Liturgie dont le souci de la création est constant. Une théologie du don enseigne que toutes les choses qui existent nous sont données comme dons par Dieu et, par conséquent, toute la création peut être interprétée comme un sacrement en sens étendu, un canal de l’amour et de la force de Dieu. Le monde lui-même est un moyen de communication que Dieu utilise.[1] La liturgie est la mise en œuvre d’un échange de dons existentiels, un don de soi de Dieu même, de l’homme ensuite, au travers des dons de la création. Dans la liturgie, la vie personnelle est offerte en communion avec les autres vies offertes au Christ, qui les offre au Père : « pour tout cela et en tout cela, t’offrant ce qui est à toi, et que nous avons reçu de toi » (Divine Liturgie de Saint-Jean-Chrysostome, dans le rite byzantin).

La célébration de la messe

Le pape François, dans l’encyclique Laudato si’ n° 236, en se référant également à deux d’entre ses prédécesseurs, Jean Paul II, Ecclesia de Eucharistia (2003), n° 8, et à Benoît XVI, Homélie à l’occasion de la Messe du Corpus Domini, 15 juin 2006, transmet avec vigueur le rôle que joue l’Eucharistie dans notre rapport au monde.

« Uni au Fils incarné, présent dans l’Eucharistie, tout le cosmos rend grâce à Dieu. En effet, l’eucharistie est en soi un acte d’amour cosmique : ‘Oui, cosmique ! Car, même lorsqu’elle est célébrée sur un petit autel d’une église de campagne, l’Eucharistie est toujours célébrée, en un sens, sur l’autel du monde. L’Eucharistie unit le ciel et la terre, elle embrasse et pénètre toute la création.

Le monde qui est issu des mains de Dieu retourne à lui dans une joyeuse et pleine adoration : dans le Pain eucharistique, ‘la création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l’unification avec le Créateur lui-même’. C’est pourquoi l’Eucharistie est aussi source de lumière et de motivation pour nos préoccupations concernant l’environnement, et elle nous invite à être gardien de toute la création. »

Par sa structure et dans le contenu de ses prières la messe catholique accorde une importance constante à la création comme élément qui favorise la communion de la communauté des fidèles avec le Dieu Trinité.

Une préface centrée sur la création :

« Toi, le Créateur de tous les éléments du monde, Maître des temps et de l’histoire, tu as formé l’homme à ton image et lui as soumis l’univers et ses merveilles ; tu lui as confié ta création afin qu’il en soit le gardien et qu’en admirant ton œuvre il ne cesse de te rendre grâce, par le Christ, notre Seigneur » (5e préface des dimanches du temps ordinaire).

L’offertoire :

« Tu es béni, Seigneur, Dieu de l’univers : nous avons reçu de ta bonté le pain que nous te présentons, fruit de la terre et du travail des hommes ; il deviendra pour nous le pain de la vie » ; « Tu es béni, Seigneur, Dieu de l’univers : nous avons reçu de ta bonté le vin que nous te présentons, fruit de la vigne et du travail des hommes ; il deviendra pour nous le vin du Royaume éternel ».

La 3e prière eucharistique :

« Tu es vraiment saint, Dieu de l’univers, et il est juste que toute la création proclame ta louange, car c’est toi qui donnes la vie, c’est toi qui sanctifies toutes choses… ».

La 4e prière eucharistique :

« Père très saint, nous proclamons que tu es grand et que tu as fait toutes choses et par amour : tu as créé l’homme à ton image et tu lui as confié l’univers, afin qu’en te servant, toi seul, son Créateur, il règne sur la création » ; à la fin : « Nous pourrons alors, avec la création tout entière, enfin libérée de la corruption du péché et de la mort, te glorifier par le Christ, notre Seigneur, par qui tu donnes au monde toute grâce et tout bien. »

Le Missel prévoit traditionnellement des messes pour des intentions particulières :

  • « pour les travaux des champs » ;
  • « après les récoltes » ;
  • « en temps de famine, ou pour ceux qui souffrent de la faim » ;
  • « en temps de tremblement de terre » ;
  • « pour demander la pluie » ;
  • « pour demander le beau temps » ;
  • « pour écarter les tempêtes »

Les sacrements

L’acte de célébrer la liturgie implique inlassablement la matière et les produits de la terre élaborés par les hommes, puisque tant les hommes que la matière sont sacramentels, c’est à dire signes de la présence et de l’action de Dieu dans le monde. Les personnes humaines célèbrent avec la matière, et à travers la célébration rencontrent le Dieu trinitaire et « la maison commune » à un niveau toujours plus profond.

Dans l’encyclique Laudato si’, le pape François montre que : « Les Sacrements sont un mode privilégié de la manière dont la nature est assumée par Dieu et devient médiation de la vie surnaturelle. À travers le culte, nous sommes invités à embrasser le monde à un niveau différent. L’eau, l’huile, le feu et les couleurs sont assumés avec toute leur force symbolique et s’incorporent à la louange. La main qui bénit est instrument de l’amour de Dieu et reflet de la proximité de Jésus-Christ qui est venu nous accompagner sur le chemin de la vie. L’eau qui se répand sur le corps de l’enfant baptisé est signe de vie nouvelle. Nous ne nous évadons pas du monde, et nous ne nions pas la nature quand nous voulons rencontrer Dieu » (Laudato Si, n° 235).

Les sacramentaux

Les sacramentaux sont aussi des prières de bénédiction et de sanctification de la matière et de l’activité de l’homme en rapport à Dieu. Les sacramentaux mineurs qui concernent surtout les objets.

  • On retrouve souvent dans les sacramentaux les signes de l’imposition des mains, les onctions, l’utilisation de l’eau bénite (la bénédiction de l’eau préalable étant elle-même un sacramental).
  • Les sacramentaux peuvent être administrés par l’évêque (dédicace de basilique), le prêtre (bénédiction de l’eau), le diacre ou par les laïcs (bénédiction d’un repas).
  • La plupart des sacramentaux sont destinés à tous les baptisés (bénédiction d’un repas, d’une maison etc.) ;

Les bénédictions

Les prières de bénédiction de l’Église montrent la potentialité sacramentelle de la création. La bénédiction révèle la matière comme un moyen de communion avec Dieu.

Le Bénédictionnel peut devenir un instrument précieux de promotion chrétienne de l’actuel mouvement écologique. Le respect de la nature et sa valeur de créature ne découlent pas d’un optimisme illuministe ou d’un humanisme athée ; bien au contraire, il ne fait que reconnaître la signification transcendante de la vie humaine et de la solidarité qui existe entre l’engagement des chrétiens dans le monde et la nature en tant qu’assumée dans le même mouvement de la rédemption de l’événement pascal

Enzo Lodi, « Le bénédictionnel romain pour la sanctification de la vie. Sources et contenus », dans Les bénédictions et les sacramentaux dans la liturgie, Conférences Saint-Serge, 34e Semaine d’Études Liturgiques, edizione liturgiche, Roma, 1988, p. 181-206 ; ici : p. 206

En conclusion, nous pouvons dire que les textes liturgiques spécifiques à notre tradition cultuelle contiennent des références au milieu environnant, à la matérialité et à la corporéité de l’homme. Psaumes, Prière des heures, Sacrements, Eucharistie sont imprégnés par le crée. La liturgie, d’une manière empirique, intègre les différents niveaux de la création en leur donnant une signification. La matière et la corporalité comme représentants du monde crée sont destinés dans la liturgie à la transformation et à la sanctification.