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L’église des Augustins et la paroisse Saint-Maurice

Après Saint-Nicolas et Saint-Jean, intéressons-nous dans ce numéro à une église au statut particulier, puisqu’elle a très longtemps été une église conventuelle (celle des Augustins) avant de devenir l’église de la paroisse Saint-Maurice il y a bientôt 100 ans.

PAR SÉBASTIEN DEMICHEL | PHOTOS : WIKIMEDIA COMMONS / FLICKR

L’établissement des ermites de saint Augustin en terres fribourgeoises remonte au début du XIIIe siècle. Dans un premier temps, ils s’installent près de la chapelle Saint-Barthélemy sur la route de Berne (territoire de la paroisse de Tavel), puis ils s’établissent dans le quartier de l’Auge en 1255. La chapelle du Petit-Saint-Jean (propriété des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem) leur sert alors de lieu de culte.

À cette époque, l’abbaye de Saint-Maurice (fondée au VIe siècle) a déjà une longue histoire et un grand rayonnement dans l’Europe médiévale, si bien que les Augustins de Fribourg se montrent intéressés par ce patronage. En septembre 1255, ils négocient une donation de reliques auprès de ce monastère. L’abbé de Saint-Maurice, Nantelme, et ses moines acceptent d’ouvrir la châsse des glorieux martyrs et de donner des reliques de saint Maurice et ses compagnons au couvent des Augustins de Fribourg. Ces derniers doivent néanmoins respecter certaines conditions : dire une messe quotidienne en mémoire des martyrs
de la légion thébaine, célébrer chaque année et à perpétuité la fête de saint Maurice et consacrer le maître-autel de leur future église à saint Maurice et ses compagnons.

La construction de l’église actuelle débute en 1255. La croix de saint Maurice jouissant d’un plus grand prestige que celle de Malte, les autorités décident de déplacer les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem à la Planche Supérieure en 1259 (voir l’article sur l’église Saint-Jean). La construction de l’église des Augustins dure plusieurs décennies et l’église est finalement consacrée à saint Maurice en 1311.

De la Réforme aux tourments du XIXe siècle

Lorsque Martin Luther, moine augustin, rompt avec la papauté, le gouvernement fribourgeois s’oppose à la Réforme. Le prieur du couvent de Fribourg Conrad Treger participe à la Dispute de Berne et répond aux arguments de Zwingli, sans grand succès. De nombreux cantons passent à la Réforme et les Augustins de Bâle, Zurich et Berne ferment leurs portes. Le couvent de Fribourg perdure, mais il traverse également une crise. Les religieux de l’Auge oublient leurs voeux et se laissent aller. Le Concile de Trente marque la réaction de l’Église qui réaffirme l’Eucharistie et la communion des saints.

Lorsque le père Ulrich Kessler devient prieur du couvent à la fin du XVIe siècle, l’esprit tridentin s’impose. Marie et les saints sont célébrés et exaltés. Kessler est considéré comme le restaurateur du couvent tant sur le plan matériel (revenus financiers améliorés, transformations de l’église) que spirituel. Il devient même provincial de la Province rhénano-souabe de l’ordre. Ce dynamisme retrouvé du couvent se poursuit au XVIIe siècle avec notamment le don par le pape Alexandre VII des reliques de saint Victor au couvent des Augustins en 1664.

À la fin de l’Ancien Régime, le couvent des Augustins doit faire face à de nouvelles épreuves dont il ne se relèvera pas. En 1803, Napoléon supprime de nombreux couvents de la Province rhénano-souabe à laquelle appartient le couvent de Fribourg. Celui-ci vit en vase clos et tombe à nouveau en décadence. Une brève restauration est permise grâce à l’action du prieur Gélase Reinhard, avant que la défaite du Sonderbund et l’avènement du régime radical n’aient définitivement raison du couvent. Celui-ci est supprimé en 1848 avec effet immédiat.

Naissance de la paroisse Saint-Maurice

Après la fermeture du monastère, le père augustin Florentin Eltzer devient le desservant et assume un intérim jusqu’à sa mort en 1869. Puis le chanoine Schneuwly lui succède. Archiviste de l’État, il dresse un inventaire des reliques et des saints patrons des autels actuels. En 1872, le territoire de l’Auge devient le rectorat de Saint-Maurice et est administré par un chanoine-recteur. En 1924, ce rectorat est remplacé par la paroisse de Saint-Maurice.

Quant au bâtiment du couvent, il a connu des réaffectations successives au cours des 170 dernières années. Après la fermeture du couvent, le bâtiment est utilisé par l’État comme prison jusqu’en 1916. À la suite d’une restauration, les Archives cantonales s’y installent de 1918 à 2003. Désormais, c’est le Tribunal cantonal qui occupe ces locaux.

Concluons en citant la jolie description de l’église des Augustins par Marcel Strub dans Les monuments d’art et d’histoire du canton de Fribourg : « L’église des Augustins est, avec celle des Cordeliers, le plus ancien sanctuaire fribourgeois où se puissent reconnaître les caractères de l’architecture pure des ordres mendiants. Celle des Augustins se trouve être la mieux conservée des deux, qu’il s’agisse de l’extérieur ou de l’intérieur, du choeur, de la nef ou des sacristies. On doit en outre lui accorder une silhouette à la fois élégante, de bonnes proportions, et admettre qu’elle forme avec les bâtiments de l’ancien couvent un ensemble qui non seulement ne manque pas de grandeur mais constitue encore le principal ornement du quartier de l’Auge. »